Ce livre comporte une table des matières dynamique, à été relu et corrigé.
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NOUVELLE INÉDITE
Il y a dans l’air comme un frémissement profond. La foule est ivre. Les drapeaux sont ivres. Et, à la fête que célèbrent les hommes, l’automne ajoute le glorieux pavois des feuilles.
Au delà des choses qu’on voit, au delà de ces grands murs gris bariolés d’oriflammes flottantes, une clameur immense est suspendue comme le bruit de millions de cloches assourdies qui sonneraient toutes ensemble. Et parfois, pareille au crissement d’une fusée qui monte, éclate et retombe, c’est tout à coup un tumulte de voix claires qui domine un instant le grondement des multitudes permanentes.
À l’appel de cette ivresse profusément répandue, et qui est folle et douce à pleurer, Aloys a éloigné de lui le papier où s’entrecroisent capricieusement les arabesques du poème inachevé :
Ah ! tout est bu, tout est mangé…
Où l’état d’innocence qui convient au génie et qui le libère du scrupule de redire ce qui a été dit déjà ? Où donc la robuste violence qui étrangle la voix du doute et qui souffle les fortes tempêtes du large ? Mais n’est-il pas, peut-être, une spiritualité supérieure ? Et l’homme qui atteint le sommet de l’intelligence et du savoir n’est-il pas, par là même, impropre à la fonction subalterne du poète ?…
Aloys obéit à la sollicitation invincible qui l’assiège, et il descend, lui aussi, dans la rue. Ah ! combien pèse peu le rêve délicat qui le hante auprès de l’énorme besogne collective d’une foule inoccupée ! Et comme un sourire de consentement et de complicité s’harmonise, seul, à ce moment, avec le cœur des hommes !
Il va. Il va devant lui n’importe où, là où le mène la multitude, toujours diverse et pareille à elle-même, dans le cycle fermé de son piétinement perpétuel.
— Hé, là-bas, lui crie une petite passante,