Une Canaille: - Quand le chroniqueur Lavernié eut expliqué que son ex-ami Laurianne le traitait couramment de canaille à cause d'un service, que lui, Lavernié, avait dernièrement rendu au dit Laurianne, il y en eut qui bétonnèrent, d'autres qui hochèrent la tête, d'un air fixé et entendu de gens blasés sur les surprises de l'existence et que ses petites vilenies n'en sont plus à faire rêver. - Il y a service et service, déclara cependant Christian Lestenet, il ne s'agit que de s'entendre. - Oh, c'est bien simple, dit très sérieusement Lavernié, j'ai couché avec une maitresse à lui. Lestenet éclata de rire et appliqua une claque sonore sur la cuisse du journaliste en le traitant d'aimable farceur, mais le poète Georges Lahrier qui était philosophe à ses moments perdus, dit simplement: - Eh ! ne blaguons pas sans savoir ! D'abord, c'est toujours l'obliger que débarrasser un ami d'une femme assez misérable pour consentir à le tromper sans motif. Voilà déjà qui tombe sous le sens. - Parbleu ! exclama Lavernié, et puis enfin, si je l'ai fait, c'est parce que l'ami lui-même m'avait engagé à le faire. Oh ! mon cas est assez spécial, mais il n'y a en soi rien d'extraordinaire, étant basé sur l'éternelle niaiserie humaine et ce besoin de forfanterie qui est la première manifestation de la bêtise, comme l'instinct de la conservation est la première manifestation de l'intelligence. Avez-vous un quart d'heure à perdre, l'histoire vaut assez la peine d'être écoutée et il y a profit à tirer de la morale qui s'en dégage ? Bah ! dit Fabrice, un quart d'heure ! on peut toujours risquer cela ! - D'autant, répliqua le jeune homme, que vous en serez quittes pour m'enlever la parole si cette histoire vous embête, comme celle du petit navire qui n'avait jamais navigué.......
Les Femmes d’Amis (1888) (French Edition)
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