Extrai:
L’Église catholique romaine, que je respecte sincèrement, se compose de 139 millions d’individus, sans compter le petit Mortara.
Elle est gouvernée par soixante-dix cardinaux ou princes de l’Église, en mémoire des douze apôtres.
Le cardinal évêque de Rome, qu’on désigne aussi sous le nom de vicaire de Jésus-Christ, de saint-père ou de pape, est investi d’une autorité sans bornes sur l’esprit des 139 millions de catholiques.
Les cardinaux sont nommés par le pape ; le pape est nommé par les cardinaux. Dès le jour de son élection, il devient infaillible, au moins dans l’opinion de M. de Maistre et des meilleurs catholiques de notre temps.
Cette discipline des intelligences honore infiniment le XIXe siècle. La postérité nous en saura gré, si elle est juste. Elle verra qu’au lieu de nous entr’égorger pour des questions théologiques, nous avons tracé des chemins de fer, posé des télégraphes, construit des machines à vapeur, lancé des vaisseaux, percé des isthmes, créé des sciences, corrigé des lois, réprimé des factions, nourri des pauvres, civilisé des barbares, assaini des marais, défriché des landes, sans disputer une seule fois sur l’infaillibilité d’un homme.
Mais le siècle le plus occupé, et qui sait le mieux le prix du temps, peut être contraint de négliger un instant ses affaires. Si, par exemple, il remarque autour de Rome et de son évêque une agitation violente que ni les malices de la diplomatie, ni la pression des armées ne peuvent étouffer ; s’il voit dans un petit coin d’une péninsule un incendie sans flammes qui n’est ni allumé ni éteint, mais qui peut en vingt-quatre heures embraser toute l’Europe ; ce siècle prudent par devoir, attendu qu’il a de grandes choses à faire, s’émeut de la situation de Rome et veut savoir ce qu’il y a.
Il y a que les princes naïfs du moyen âge, Pépin le Bref, Charlemagne, la comtesse Mathilde, ont fait au pape de grandes libéralités. Ils lui ont donné des terres et des hommes, suivant l’usage de ce temps-là, où l’homme, étant le mobilier vivant de la terre, se donnait par-dessus le marché. S’ils ont été si généreux, ce n’est point parce qu’ils pensaient, comme M. Thiers, que le pape ne saurait être indépendant sans être roi ; ils l’avaient vu dans sa pauvreté plus indépendant et plus maître que presque tous les rois de la terre. Ils l’enrichirent par amitié, par calcul, par reconnaissance, ou même pour déshériter leur famille, comme cela se fait encore de notre temps. Depuis la comtesse Mathilde, le pape, mis en goût de propriété, s’est arrondi. II a obtenu des villes par capitulation, comme Bologne ; il en a gagné à coups de canon, comme Rimini ; il en a dérobé quelques-unes par trahison furtive, comme Ancône. Si bien qu’en 1859, l’évêque de Rome est le souverain temporel de quatre millions d’hectares et règne sur trois millions cent vingt-quatre mille six cent soixante-huit hommes qui poussent les hauts cris.
De quoi se plaignent-ils ? Écoutez-les seulement ; vous le saurez bientôt :
« Ils disent que l’autorité à laquelle ils sont soumis, sans l’avoir ni demandée ni acceptée, est la plus foncièrement absolue qui ait jamais été définie par Aristote ; que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont réunis, confondus et brouillés dans la même main, contrairement à l’usage des États civilisés et à la théorie de Montesquieu ; qu’ils reconnaissent volontiers l’infaillibilité du pape dans toutes les questions religieuses, mais qu’en matière civile elle leur paraît plus difficile à supporter ; qu’ils ne refusent pas d’obéir, puisqu’à tout prendre l’homme n’est pas ici-bas pour suivre sa fantaisie, mais qu’ils seraient bien aises d’ obéir à des lois ; que le bon plaisir, si bon qu’il puisse être, ne vaut pas le Code Napoléon ; que le pape régnant n’est pas un méchant homme, mais que le gouvernement arbitraire d’un prêtre, fût-il infaillible, ne sera jamais qu’un mauvais gouvernement.
L’Église catholique romaine, que je respecte sincèrement, se compose de 139 millions d’individus, sans compter le petit Mortara.
Elle est gouvernée par soixante-dix cardinaux ou princes de l’Église, en mémoire des douze apôtres.
Le cardinal évêque de Rome, qu’on désigne aussi sous le nom de vicaire de Jésus-Christ, de saint-père ou de pape, est investi d’une autorité sans bornes sur l’esprit des 139 millions de catholiques.
Les cardinaux sont nommés par le pape ; le pape est nommé par les cardinaux. Dès le jour de son élection, il devient infaillible, au moins dans l’opinion de M. de Maistre et des meilleurs catholiques de notre temps.
Cette discipline des intelligences honore infiniment le XIXe siècle. La postérité nous en saura gré, si elle est juste. Elle verra qu’au lieu de nous entr’égorger pour des questions théologiques, nous avons tracé des chemins de fer, posé des télégraphes, construit des machines à vapeur, lancé des vaisseaux, percé des isthmes, créé des sciences, corrigé des lois, réprimé des factions, nourri des pauvres, civilisé des barbares, assaini des marais, défriché des landes, sans disputer une seule fois sur l’infaillibilité d’un homme.
Mais le siècle le plus occupé, et qui sait le mieux le prix du temps, peut être contraint de négliger un instant ses affaires. Si, par exemple, il remarque autour de Rome et de son évêque une agitation violente que ni les malices de la diplomatie, ni la pression des armées ne peuvent étouffer ; s’il voit dans un petit coin d’une péninsule un incendie sans flammes qui n’est ni allumé ni éteint, mais qui peut en vingt-quatre heures embraser toute l’Europe ; ce siècle prudent par devoir, attendu qu’il a de grandes choses à faire, s’émeut de la situation de Rome et veut savoir ce qu’il y a.
Il y a que les princes naïfs du moyen âge, Pépin le Bref, Charlemagne, la comtesse Mathilde, ont fait au pape de grandes libéralités. Ils lui ont donné des terres et des hommes, suivant l’usage de ce temps-là, où l’homme, étant le mobilier vivant de la terre, se donnait par-dessus le marché. S’ils ont été si généreux, ce n’est point parce qu’ils pensaient, comme M. Thiers, que le pape ne saurait être indépendant sans être roi ; ils l’avaient vu dans sa pauvreté plus indépendant et plus maître que presque tous les rois de la terre. Ils l’enrichirent par amitié, par calcul, par reconnaissance, ou même pour déshériter leur famille, comme cela se fait encore de notre temps. Depuis la comtesse Mathilde, le pape, mis en goût de propriété, s’est arrondi. II a obtenu des villes par capitulation, comme Bologne ; il en a gagné à coups de canon, comme Rimini ; il en a dérobé quelques-unes par trahison furtive, comme Ancône. Si bien qu’en 1859, l’évêque de Rome est le souverain temporel de quatre millions d’hectares et règne sur trois millions cent vingt-quatre mille six cent soixante-huit hommes qui poussent les hauts cris.
De quoi se plaignent-ils ? Écoutez-les seulement ; vous le saurez bientôt :
« Ils disent que l’autorité à laquelle ils sont soumis, sans l’avoir ni demandée ni acceptée, est la plus foncièrement absolue qui ait jamais été définie par Aristote ; que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont réunis, confondus et brouillés dans la même main, contrairement à l’usage des États civilisés et à la théorie de Montesquieu ; qu’ils reconnaissent volontiers l’infaillibilité du pape dans toutes les questions religieuses, mais qu’en matière civile elle leur paraît plus difficile à supporter ; qu’ils ne refusent pas d’obéir, puisqu’à tout prendre l’homme n’est pas ici-bas pour suivre sa fantaisie, mais qu’ils seraient bien aises d’ obéir à des lois ; que le bon plaisir, si bon qu’il puisse être, ne vaut pas le Code Napoléon ; que le pape régnant n’est pas un méchant homme, mais que le gouvernement arbitraire d’un prêtre, fût-il infaillible, ne sera jamais qu’un mauvais gouvernement.