Jean GIRAUDOUX (1882 - 1944) était un écrivain et un diplomate français.
Dans ce livre, six récits de guerre qui présentent la vision de l'auteur sur la Première Guerre mondiale, la vie quotidienne et la nécessaire réconciliation avec l'Allemagne.
Extrait :
Il fallut s’arrêter aux portes. Nous étions à la fin de ce mois où un lieutenant italien avait pu conduire, de Modane au front de l’Aisne, Lina Pellegrini déguisée en matelot, il avait remarqué que les marins, on ne saura jamais pourquoi, pouvaient sans qu’on leur demandât aucun permis aller jusqu’aux tranchées et, dans les tranchées, jusqu’aux sapes. On y trouvait aussi des coquillages. Une heure Lina avec ses jumelles de théâtre regarda la guerre, vit seulement une musaraigne, frémit, grimpa en criant sur le parapet, car un rat passait ; et conduite au colonel, éclata de rire en montrant ses dents qui la dénonçaient plus que n’eût fait chez d’autres femmes la poitrine. Elle avoua qu’elle n’était pas matelot, retira donc ses mains de ses poches, laissa donc tomber ses cheveux, mit un corset — reprit toutes les habitudes qu’on a sur la terre et pas sur la mer — n’affecta plus de marcher en écartant les genoux comme si elle sentait le globe rouler, et fut reconduite en Italie — la plus belle Italienne ! — avec un papier du Quartier Général qui la disait indésirable. Des officiers, disciplinés, se la passaient dans les gares régulatrices, sans donc la vouloir, mais en la caressant — et l’itinéraire capricieux de son voyage, les cinq villes, Modane, Bourg, Chalon-sur-Saône, Troyes et Provins, où l’on ne sait distinguer entre une Bolonaise et un marin...
Dans ce livre, six récits de guerre qui présentent la vision de l'auteur sur la Première Guerre mondiale, la vie quotidienne et la nécessaire réconciliation avec l'Allemagne.
Extrait :
Il fallut s’arrêter aux portes. Nous étions à la fin de ce mois où un lieutenant italien avait pu conduire, de Modane au front de l’Aisne, Lina Pellegrini déguisée en matelot, il avait remarqué que les marins, on ne saura jamais pourquoi, pouvaient sans qu’on leur demandât aucun permis aller jusqu’aux tranchées et, dans les tranchées, jusqu’aux sapes. On y trouvait aussi des coquillages. Une heure Lina avec ses jumelles de théâtre regarda la guerre, vit seulement une musaraigne, frémit, grimpa en criant sur le parapet, car un rat passait ; et conduite au colonel, éclata de rire en montrant ses dents qui la dénonçaient plus que n’eût fait chez d’autres femmes la poitrine. Elle avoua qu’elle n’était pas matelot, retira donc ses mains de ses poches, laissa donc tomber ses cheveux, mit un corset — reprit toutes les habitudes qu’on a sur la terre et pas sur la mer — n’affecta plus de marcher en écartant les genoux comme si elle sentait le globe rouler, et fut reconduite en Italie — la plus belle Italienne ! — avec un papier du Quartier Général qui la disait indésirable. Des officiers, disciplinés, se la passaient dans les gares régulatrices, sans donc la vouloir, mais en la caressant — et l’itinéraire capricieux de son voyage, les cinq villes, Modane, Bourg, Chalon-sur-Saône, Troyes et Provins, où l’on ne sait distinguer entre une Bolonaise et un marin...