La dernière volonté de Maddy : mourir les pieds chaussés des Carlito d'Aurel…
« …tu veux vraiment les porter, il est inutile de te contrarier mon amour, je te chausse de mes Carlito, c'est avec elles que tu veux partir, avec moi en quelque sorte, tu n'as jamais craint le ridicule, tes petits pieds sont perdus dedans, ça ne fait rien, tu es têtue, tu veux partir avec, ta bouche est muette, tes yeux supplient… »
Les derniers moments d'un couple de danseurs vedette, au terme de leurs vies, décrits avec beaucoup de sensibilité
EXTRAIT
La boîte ronde calée dans sa paume gauche, comme chaque jour, Aurel actionna, à l'aide de son pouce et de son index, le papillon disposé sur le côté. L'effet de levier souleva le couvercle sur la matière noire dont la quantité mate suffirait pour cette fois encore. Il posa la boîte, près du nécessaire à chaussures, sur Le Parisien d'avant-hier. Il saisit la chaussure droite, enfila sa main dans l'ouverture sombre en prenant soin de disposer les lacets fatigués en dedans afin d'éviter de les graisser ; de l'autre main, il prit le chiffon qu'il enduisit, au bout de son index recouvert du tissu, d'une trace de cirage noir. Il commença à frotter, plutôt à caresser, la partie supérieure usée sur les bords, passant et repassant sur la couture et sur la tranche. Il insista sur l'amorce d'une craquelure à la base de l'empeigne, il la surveillait de peur que le défaut s'aggrave irrémédiablement, et la saturait de matière. Ses chaussures fétiches requéraient toutes ses attentions depuis des années. Elles étaient faites à son pied, épousant au fil des ans quelques déformations plantaires ; avec ces auxiliaires si adaptées à ses pas, à ses glissades, Maddy et lui avaient gagné les plus grands concours de danse. Les autres danseurs professionnels de tango chaussaient des vernis classiques qui rutilaient sous les lumières. Aurel préférait le cuir sauvage de ses Carlito, dégotées à Montevideo, et qu'il faisait reluire comme la surface d'un miroir. Quand Madeleine dansait…
A PROPOS DE L’AUTEUR
Max Obione s’est emparé du noir sur le tard afin de donner libre cours à son tempérament libertaire. Dans ses polars et ses nouvelles, ce jeune auteur tardif revisite les archétypes du genre. C’est un franc-tireur des lettres qui, se reposant du noir un temps, met du rose à sa palette. Sur le chemin de la littérature érotique, il commence à semer des cailloux libertins. Mais le noir demeure sa couleur de prédilection.
« …tu veux vraiment les porter, il est inutile de te contrarier mon amour, je te chausse de mes Carlito, c'est avec elles que tu veux partir, avec moi en quelque sorte, tu n'as jamais craint le ridicule, tes petits pieds sont perdus dedans, ça ne fait rien, tu es têtue, tu veux partir avec, ta bouche est muette, tes yeux supplient… »
Les derniers moments d'un couple de danseurs vedette, au terme de leurs vies, décrits avec beaucoup de sensibilité
EXTRAIT
La boîte ronde calée dans sa paume gauche, comme chaque jour, Aurel actionna, à l'aide de son pouce et de son index, le papillon disposé sur le côté. L'effet de levier souleva le couvercle sur la matière noire dont la quantité mate suffirait pour cette fois encore. Il posa la boîte, près du nécessaire à chaussures, sur Le Parisien d'avant-hier. Il saisit la chaussure droite, enfila sa main dans l'ouverture sombre en prenant soin de disposer les lacets fatigués en dedans afin d'éviter de les graisser ; de l'autre main, il prit le chiffon qu'il enduisit, au bout de son index recouvert du tissu, d'une trace de cirage noir. Il commença à frotter, plutôt à caresser, la partie supérieure usée sur les bords, passant et repassant sur la couture et sur la tranche. Il insista sur l'amorce d'une craquelure à la base de l'empeigne, il la surveillait de peur que le défaut s'aggrave irrémédiablement, et la saturait de matière. Ses chaussures fétiches requéraient toutes ses attentions depuis des années. Elles étaient faites à son pied, épousant au fil des ans quelques déformations plantaires ; avec ces auxiliaires si adaptées à ses pas, à ses glissades, Maddy et lui avaient gagné les plus grands concours de danse. Les autres danseurs professionnels de tango chaussaient des vernis classiques qui rutilaient sous les lumières. Aurel préférait le cuir sauvage de ses Carlito, dégotées à Montevideo, et qu'il faisait reluire comme la surface d'un miroir. Quand Madeleine dansait…
A PROPOS DE L’AUTEUR
Max Obione s’est emparé du noir sur le tard afin de donner libre cours à son tempérament libertaire. Dans ses polars et ses nouvelles, ce jeune auteur tardif revisite les archétypes du genre. C’est un franc-tireur des lettres qui, se reposant du noir un temps, met du rose à sa palette. Sur le chemin de la littérature érotique, il commence à semer des cailloux libertins. Mais le noir demeure sa couleur de prédilection.