LA manière dont l’auteur de ce livre s’est procuré les principaux matériaux de sa composition est rapportée dans l’ouvrage même. Le lecteur intelligent concevra sans peine qu’il peut avoir mille raisons pour ne pas en dire davantage sur les sources secrètes où il a puisé. Il dira seulement, sous sa propre responsabilité, que les parties de la légende, pour lesquelles aucune autorité n’est citée, sont tout aussi vraies que celles qui ne sont pas dépourvues de cet avantage particulier, et que toutes méritent d’être crues également.
Il se trouve cependant que, dans les pages suivantes, l’auteur s’est quelquefois écarté de la stricte véracité historique, et il est peut-être à propos de donner quelques éclaircissements à ce sujet. Dans la confusion infinie de noms, de coutumes, d’opinions et de langage, qui existe parmi les peuplades de l’ouest, il a mis plus de soin à éviter de blesser l’oreille, ou de mettre à la torture l’intelligence du lecteur, qu’à s’attacher à la vérité littérale. Par exemple, il a appelé uniformément Grand-Esprit, le Wahcondah, quoiqu’il sache fort bien que les deux nations qu’il met en présence ne l’appellent pas de la même manière. De même, en d’autres occasions, il a cherché plutôt à mettre de la simplicité dans son récit, qu’à le rendre strictement correct, aux dépens de tout ordre et de toute clarté. Il suffisait pour le but qu’il se proposait que le portrait reproduisit les traits principaux de l’original. Pour ce qui regarde l’ombre, la pose et l’arrangement de la figure, il s’est donné un peu de liberté. Cette courte explication aurait même paru inutile à l’auteur, s’il ne savait qu’il existe une certaine classe de « doctes Thébains[1] », tout aussi bien en état de lire un ouvrage dont l’imagination seule peut assurer le succès, qu’ils le sont de l’écrire.
Il n’est peut-être pas inutile de prévenir des objections beaucoup plus graves, et d’une solution plus difficile, qui pourraient se présenter à l’esprit d’une classe plus élevée de lecteurs. Introduire un seul et même personnage comme acteur principal, dans non moins de trois ouvrages ; et dans ces temps d’entreprises aventureuses en fait de livres de ce genre, choisir pour la chaîne d’une légende un désert, qui n’est peuplé d’aucun souvenir historique, et auquel si peu d’idées poétiques, s’il en est même quelques-unes, viennent s’associer, c’est ce qui peut avoir besoin d’apologie. Néanmoins, s’il est possible de lever la première objection, la seconde devra nécessairement tomber d’elle-même, puisqu’il était évidemment du devoir d’un fidèle historien de suivre son héros partout où il lui plaisait d’aller. Il est plus que probable que le narrateur de ces simples événements s’est fait illusion sur l’intérêt qu’ils pourraient avoir aux yeux d’autres personnes ; mais il lui a semblé que la vie d’un vétéran de la forêt, qui, ayant commencé sa carrière près de l’Atlantique, s’est vu forcé par la marche progressive de la population, avançant toujours sur ses pas avec une rapidité sans exemple, de chercher un dernier refuge contre la société, dans les plaines vastes et inhabitées de l’ouest, présentait quelque chose d’assez instructif, d’assez touchant, pour le décider à en tenter la publication. Que les changements qui ont contraint un homme de ce caractère à ces migrations successives se soient opérés effectivement dans le cours d’une seule vie, c’est un point d’histoire qu’on ne saurait révoquer en doute ; qu’ils aient produit un effet semblable sur le Chasseur du Dernier des Mohicans, le Bas-de-Cuir des Pionniers, et le Trappeur de la Prairie, c’est ce qui est prouvé par une autorité non moins imposante que ces pages véridiques, dont l’attention du lecteur ne sera pas détournée plus longtemps, s’il est encore tenté de les parcourir après cet aveu sincère du peu de valeur de ce qu’elles contiennent.
Il se trouve cependant que, dans les pages suivantes, l’auteur s’est quelquefois écarté de la stricte véracité historique, et il est peut-être à propos de donner quelques éclaircissements à ce sujet. Dans la confusion infinie de noms, de coutumes, d’opinions et de langage, qui existe parmi les peuplades de l’ouest, il a mis plus de soin à éviter de blesser l’oreille, ou de mettre à la torture l’intelligence du lecteur, qu’à s’attacher à la vérité littérale. Par exemple, il a appelé uniformément Grand-Esprit, le Wahcondah, quoiqu’il sache fort bien que les deux nations qu’il met en présence ne l’appellent pas de la même manière. De même, en d’autres occasions, il a cherché plutôt à mettre de la simplicité dans son récit, qu’à le rendre strictement correct, aux dépens de tout ordre et de toute clarté. Il suffisait pour le but qu’il se proposait que le portrait reproduisit les traits principaux de l’original. Pour ce qui regarde l’ombre, la pose et l’arrangement de la figure, il s’est donné un peu de liberté. Cette courte explication aurait même paru inutile à l’auteur, s’il ne savait qu’il existe une certaine classe de « doctes Thébains[1] », tout aussi bien en état de lire un ouvrage dont l’imagination seule peut assurer le succès, qu’ils le sont de l’écrire.
Il n’est peut-être pas inutile de prévenir des objections beaucoup plus graves, et d’une solution plus difficile, qui pourraient se présenter à l’esprit d’une classe plus élevée de lecteurs. Introduire un seul et même personnage comme acteur principal, dans non moins de trois ouvrages ; et dans ces temps d’entreprises aventureuses en fait de livres de ce genre, choisir pour la chaîne d’une légende un désert, qui n’est peuplé d’aucun souvenir historique, et auquel si peu d’idées poétiques, s’il en est même quelques-unes, viennent s’associer, c’est ce qui peut avoir besoin d’apologie. Néanmoins, s’il est possible de lever la première objection, la seconde devra nécessairement tomber d’elle-même, puisqu’il était évidemment du devoir d’un fidèle historien de suivre son héros partout où il lui plaisait d’aller. Il est plus que probable que le narrateur de ces simples événements s’est fait illusion sur l’intérêt qu’ils pourraient avoir aux yeux d’autres personnes ; mais il lui a semblé que la vie d’un vétéran de la forêt, qui, ayant commencé sa carrière près de l’Atlantique, s’est vu forcé par la marche progressive de la population, avançant toujours sur ses pas avec une rapidité sans exemple, de chercher un dernier refuge contre la société, dans les plaines vastes et inhabitées de l’ouest, présentait quelque chose d’assez instructif, d’assez touchant, pour le décider à en tenter la publication. Que les changements qui ont contraint un homme de ce caractère à ces migrations successives se soient opérés effectivement dans le cours d’une seule vie, c’est un point d’histoire qu’on ne saurait révoquer en doute ; qu’ils aient produit un effet semblable sur le Chasseur du Dernier des Mohicans, le Bas-de-Cuir des Pionniers, et le Trappeur de la Prairie, c’est ce qui est prouvé par une autorité non moins imposante que ces pages véridiques, dont l’attention du lecteur ne sera pas détournée plus longtemps, s’il est encore tenté de les parcourir après cet aveu sincère du peu de valeur de ce qu’elles contiennent.