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    L’ATELIER DE MARIE-CLAIRE 1920 (French Edition)

    Por Marguerite Audoux

    Sobre

    Ce jour-là, comme chaque matin à l’heure du travail, l’avenue du Maine s’encombrait de gens qui marchaient à pas précipités et de tramways surchargés qui roulaient à grande vitesse vers le centre de Paris.
    Malgré la foule, j’aperçus tout de suite Sandrine. Elle aussi allongeait le pas et je dus courir pour la rattraper.
    C’était un lundi. Notre chômage d’été prenait fin, et nous revenions à l’atelier pour commencer la saison d’hiver.
    Bouledogue et la petite Duretour nous attendaient sur le trottoir, et la grande Bergeounette, que l’on voyait arriver d’en face, traversa l’avenue sans s’inquiéter des voitures afin de nous rejoindre plus vite.
    Pendant quelques minutes il y eut dans notre groupe un joyeux bavardage. Puis les quatre étages furent montés rapidement. Et tandis que les autres reprenaient leurs places autour de la table, j’allai m’asseoir devant la machine à coudre, tout auprès de la fenêtre. Bouledogue fut la dernière assise. Elle souffla par le nez selon son habitude, et aussitôt l’ouvrage en main, elle dit  :
    — Maintenant il va falloir travailler dur pour contenter tout le monde.
    Le mari de la patronne la regarda de très près en répondant  :
    — Eh bé… Dites si vous grognez déjà  !
    C’était toujours lui qui faisait les recommandations ou les reproches. Aussi les ouvrières l’appelaient le patron, tandis qu’elles ne parlaient de la patronne qu’en l’appelant Mme Dalignac.
    Bouledogue grognait pour tout et pour rien.
    Lorsqu’elle n’était pas contente, elle avait une façon de froncer le nez qui lui relevait la lèvre et découvrait toutes ses dents, qui étaient fortes et blanches.
    Il arrivait souvent que le patron se querellait avec elle  ; mais Mme Dalignac ramenait toujours la paix en leur disant doucement  :
    — Voyons… restez tranquilles.
    Les colères du patron ne ressemblaient pas du tout à celles de Bouledogue. Elles étaient aussi vite parties que venues. Sans préparation ni avertissement il se précipitait vers l’ouvrière à réprimander, et pendant une minute il criait à s’en étrangler, en supprimant la moitié des mots qu’il avait à dire.
    Cette façon de parler agaçait la grande Bergeounette qui se moquait et marmottait tout bas  :

    — Quel baragouin  !
    Le patron était le premier à rire de ses emportements, et comme pour s’en excuser, il disait  :
    — Je suis vif.
    Et il ajoutait parfois avec un peu de fierté  :
    — Moi, je suis des Pyrénées.
    C’était lui qui brodait à la machine les manteaux et les robes des clientes. Il était adroit et méticuleux, mais après quelques heures de travail il devenait tout jaune et paraissait écrasé de fatigue.
    Sa femme le touchait à l’épaule en lui disant  :
    — Repose-toi, va.
    Il arrêtait alors sa lourde machine, puis il reculait son tabouret, afin de s’appuyer au mur  ; et il restait de longs moments sans remuer ni parler.
    Il y avait entre les patrons et les ouvrières comme une association amicale. Mme Dalignac ne craignait pas de demander des conseils dans l’atelier, et les ouvrières lui accordaient toute leur confiance.
    Quant au patron, s’il criait à tue-tête pour nous donner la moindre explication, il parlait tout autrement à sa femme. Il prenait son avis pour les plus petites choses et ne la contrariait jamais.
    Mme Dalignac était un peu plus âgée que son mari. Cela se voyait à ses cheveux qui grisonnaient aux tempes  ; mais son visage restait très jeune et son rire était frais comme celui d’une petite fille.

    Elle était grande et bien faite aussi, mais il fallait la regarder exprès pour s’en apercevoir, tant elle paraissait toujours effacée et lointaine. Elle parlait doucement et posément  ; et s’il arrivait qu’elle fût obligée d’adresser un reproche à quelqu’un, elle rougissait et se troublait comme si elle était elle-même la coupable.
    Le patron avait pour sa femme une tendresse pleine d’admiration, et souvent il nous disait  :
    — Personne n’est comme elle.
    Dès qu’elle sortait, il se mettait à la fenêtre pour la voir passer d’un trottoi
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