Si nos lecteurs ne sont pas fatigués de nos portraits de femmes du XVIIe
siècle, nous voudrions bien leur présenter encore deux figures
nouvelles, également mais diversement remarquables, deux personnes que
le caprice du sort jeta dans le même temps, dans le même parti, parmi
les mêmes événements, et qui, loin de se ressembler, expriment pour
ainsi dire les deux côtés opposés du caractère et de la destinée de la
femme: toutes deux d'une beauté ravissante, d'un esprit merveilleux,
d'un courage à toute épreuve; mais l'une aussi pure que belle, unissant
en elle la grâce et la majesté, semant partout l'amour et imprimant le
respect, quelque temps l'idole et la favorite d'un roi, sans que l'ombre
même d'un soupçon injurieux ait osé s'élever contre elle, fière jusqu'à
l'orgueil envers les heureux et les puissants, douce et compatissante
aux opprimés et aux misérables, aimant la grandeur et ne mettant que la
vertu au-dessus de la considération, mêlant ensemble le bel esprit d'une
précieuse, les délicatesses d'une beauté à la mode, l'intrépidité d'une
héroïne, par-dessus tout chrétienne sans bigoterie, mais fervente et
même austère, et ayant laissé après elle une odeur de sainteté; l'autre,
peut-être plus séduisante encore et d'un attrait irrésistible, puisque
Richelieu lui-même y succomba, jetée dans toutes les extrémités du parti
catholique et ne pensant guère à la religion, trop grande dame pour
daigner connaître la retenue et n'ayant d'autre frein que l'honneur,
livrée à la galanterie et comptant pour rien le reste, méprisant pour
celui qu'elle aimait le péril, l'opinion, la fortune, plus remuante
qu'ambitieuse, jouant volontiers sa vie et celle des autres, et après
avoir passé sa jeunesse dans des intrigues de toute sorte, traversé plus
d'un complot, laissé sur sa route plus d'une victime, parcouru toute
l'Europe en exilée à la fois et en conquérante et tourné la tête à des
rois, après avoir vu Chalais monter sur l'échafaud, Châteauneuf
précipité du ministère dans une prison de dix années, le duc de Lorraine
dépouillé de ses États, la reine Anne humiliée et vaincue et Richelieu
triomphant, soutenant jusqu'au bout la lutte, et la renouvelant contre
Mazarin, toujours prête, dans ce jeu de la politique devenu pour elle un
besoin et une passion, à descendre aux menées les plus ténébreuses ou à
se porter aux résolutions les plus téméraires; d'un coup d'œil
incomparable pour reconnaître la vraie situation et l'ennemi du moment,
d'un esprit assez ferme et d'un cœur assez hardi pour entreprendre de
le détruire à tout prix; amie dévouée, ennemie implacable sans connaître
la haine, l'adversaire enfin le plus redoutable qu'aient rencontré tour
à tour Richelieu et Mazarin. On entrevoit que nous voulons parler de Mme
de Hautefort et de Mme de Chevreuse
siècle, nous voudrions bien leur présenter encore deux figures
nouvelles, également mais diversement remarquables, deux personnes que
le caprice du sort jeta dans le même temps, dans le même parti, parmi
les mêmes événements, et qui, loin de se ressembler, expriment pour
ainsi dire les deux côtés opposés du caractère et de la destinée de la
femme: toutes deux d'une beauté ravissante, d'un esprit merveilleux,
d'un courage à toute épreuve; mais l'une aussi pure que belle, unissant
en elle la grâce et la majesté, semant partout l'amour et imprimant le
respect, quelque temps l'idole et la favorite d'un roi, sans que l'ombre
même d'un soupçon injurieux ait osé s'élever contre elle, fière jusqu'à
l'orgueil envers les heureux et les puissants, douce et compatissante
aux opprimés et aux misérables, aimant la grandeur et ne mettant que la
vertu au-dessus de la considération, mêlant ensemble le bel esprit d'une
précieuse, les délicatesses d'une beauté à la mode, l'intrépidité d'une
héroïne, par-dessus tout chrétienne sans bigoterie, mais fervente et
même austère, et ayant laissé après elle une odeur de sainteté; l'autre,
peut-être plus séduisante encore et d'un attrait irrésistible, puisque
Richelieu lui-même y succomba, jetée dans toutes les extrémités du parti
catholique et ne pensant guère à la religion, trop grande dame pour
daigner connaître la retenue et n'ayant d'autre frein que l'honneur,
livrée à la galanterie et comptant pour rien le reste, méprisant pour
celui qu'elle aimait le péril, l'opinion, la fortune, plus remuante
qu'ambitieuse, jouant volontiers sa vie et celle des autres, et après
avoir passé sa jeunesse dans des intrigues de toute sorte, traversé plus
d'un complot, laissé sur sa route plus d'une victime, parcouru toute
l'Europe en exilée à la fois et en conquérante et tourné la tête à des
rois, après avoir vu Chalais monter sur l'échafaud, Châteauneuf
précipité du ministère dans une prison de dix années, le duc de Lorraine
dépouillé de ses États, la reine Anne humiliée et vaincue et Richelieu
triomphant, soutenant jusqu'au bout la lutte, et la renouvelant contre
Mazarin, toujours prête, dans ce jeu de la politique devenu pour elle un
besoin et une passion, à descendre aux menées les plus ténébreuses ou à
se porter aux résolutions les plus téméraires; d'un coup d'œil
incomparable pour reconnaître la vraie situation et l'ennemi du moment,
d'un esprit assez ferme et d'un cœur assez hardi pour entreprendre de
le détruire à tout prix; amie dévouée, ennemie implacable sans connaître
la haine, l'adversaire enfin le plus redoutable qu'aient rencontré tour
à tour Richelieu et Mazarin. On entrevoit que nous voulons parler de Mme
de Hautefort et de Mme de Chevreuse