Contenu :
L'œuvre d'Isabelle Eberhardt (1877-1904) a été éditée à titre posthume. Ces textes, écrits vers 1903 en Algérie ont gardé toute leur actualité et sont écrits dans une langue magnifique, à la fois rude et poétique. Sa littérature parle pour elle où elle nous restitue des récits poignants avec un réalisme avec une pointe de romantisme et de poésie sur la beauté du pays et un réalisme implacable sur le rapport des colons surtout militaires avec les populations indigènes. Ce recueil de nouvelles provient donc des observations faites lors de ses périples passionnants.
Extrait :
"Jules Bérard, fils d’un petit propriétaire jurassien, affiné par un séjour à la ville, ouvrier jardinier, imbu d’idées libertaires, avait voulu apporter sur un sol nouveau le petit avoir que lui avait laissé son père. De loin, Bérard s’était fait une idée des groupements français d’Algérie, qui l’avait séduit. Ces groupements devaient être comme de fortes familles françaises essaimées sur la terre vierge, y apportant leur énergie, leur solidarité florissante loin du cadre étroit et routinier de la vie métropolitaine.
Certes, il y aurait là-bas beaucoup de difficultés : le climat parfois meurtrier, le sol inconnu, la sécheresse, le sirocco, les sauterelles, les indigènes… Les manuels qu’avait lus Bérard parlaient de tout cela. Mais il trouverait là-bas d’autres colons, expérimentés déjà, qui le mettraient sur la voie, qui le conseilleraient, le protégeraient.
Et, après de longues et coûteuses formalités, Bérard avait obtenu une concession au « centre » de Moreau qu’on agrandissait et qui dépendait de la petite ville de*** dans le Tell constantinois.
Bérard arriva à Moreau un soir d’automne triste et nuageux. Il faisait noir, il faisait froid et un vent âpre courbait les eucalyptus grêles de la grand’rue.
– Vous êtes le Français de la concession de l’Oued Khamsa ?
L’aubergiste, une grosse italienne en caraco lâche, accueillit Bérard par ces mots.
Bérard avait hâte de prendre contact avec ses nouveaux concitoyens, et il entra dans la salle de l’auberge.
Un vacarme assourdissant y régnait, et le « Bonjour, tout le monde ! » de Bérard s’y perdit. Il distingua quelques bribes de phrases, jetées à pleine voix, avec un accent qui lui sembla étranger.
– Quand je te dis qu’il est avec Santos, le patron du b… !
– Alors, comme ça, on aurait un caoued pour maire ?
… Et un troisième reprenait avec rage :
– Tous des vendus, des crapules, des voleurs !"
Une table des matières dynamique permet d'accéder directement aux différents chapitres pour faciliter la lecture de l'ouvrage.
L'œuvre d'Isabelle Eberhardt (1877-1904) a été éditée à titre posthume. Ces textes, écrits vers 1903 en Algérie ont gardé toute leur actualité et sont écrits dans une langue magnifique, à la fois rude et poétique. Sa littérature parle pour elle où elle nous restitue des récits poignants avec un réalisme avec une pointe de romantisme et de poésie sur la beauté du pays et un réalisme implacable sur le rapport des colons surtout militaires avec les populations indigènes. Ce recueil de nouvelles provient donc des observations faites lors de ses périples passionnants.
Extrait :
"Jules Bérard, fils d’un petit propriétaire jurassien, affiné par un séjour à la ville, ouvrier jardinier, imbu d’idées libertaires, avait voulu apporter sur un sol nouveau le petit avoir que lui avait laissé son père. De loin, Bérard s’était fait une idée des groupements français d’Algérie, qui l’avait séduit. Ces groupements devaient être comme de fortes familles françaises essaimées sur la terre vierge, y apportant leur énergie, leur solidarité florissante loin du cadre étroit et routinier de la vie métropolitaine.
Certes, il y aurait là-bas beaucoup de difficultés : le climat parfois meurtrier, le sol inconnu, la sécheresse, le sirocco, les sauterelles, les indigènes… Les manuels qu’avait lus Bérard parlaient de tout cela. Mais il trouverait là-bas d’autres colons, expérimentés déjà, qui le mettraient sur la voie, qui le conseilleraient, le protégeraient.
Et, après de longues et coûteuses formalités, Bérard avait obtenu une concession au « centre » de Moreau qu’on agrandissait et qui dépendait de la petite ville de*** dans le Tell constantinois.
Bérard arriva à Moreau un soir d’automne triste et nuageux. Il faisait noir, il faisait froid et un vent âpre courbait les eucalyptus grêles de la grand’rue.
– Vous êtes le Français de la concession de l’Oued Khamsa ?
L’aubergiste, une grosse italienne en caraco lâche, accueillit Bérard par ces mots.
Bérard avait hâte de prendre contact avec ses nouveaux concitoyens, et il entra dans la salle de l’auberge.
Un vacarme assourdissant y régnait, et le « Bonjour, tout le monde ! » de Bérard s’y perdit. Il distingua quelques bribes de phrases, jetées à pleine voix, avec un accent qui lui sembla étranger.
– Quand je te dis qu’il est avec Santos, le patron du b… !
– Alors, comme ça, on aurait un caoued pour maire ?
… Et un troisième reprenait avec rage :
– Tous des vendus, des crapules, des voleurs !"
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