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    Quand on voyage (French Edition)

    Por Théophile Gautier

    Sobre

    extrait :

    LE MONT SAINT-MICHEL


    I


    On sait à quel point ce que les savants appelaient « la grande marée du siècle » avait surexcité l’imagination des Parisiens. Nous aurions mauvaise grâce à railler, après coup, un mouvement bien naturel de curiosité. Ces magnifiques spectacles valent la peine qu’on se déplace. — Une représentation de l’Océan ! Quel drame peut soutenir la comparaison avec cette solennité ? Seulement, quoique nous ayons cédé à l’entraînement général, notre attente n’a pas été déçue, parce que nous n’avions pas compliqué le programme d’une tempête. Un certain nombre de traversées assez longues, des séjours dans des ports de mer, nous ont appris qu’une marée n’est pas un ouragan, mais bien un phénomène régulier s’accomplissant à l’heure prévue, avec une précision presque chronométrique, et nous pensions d’avance qu’un niveau plus élevé de quelques centimètres que celui de la veille ne pouvait pas produire de ces cataclysmes à la Martynn, qu’on semblait exiger. Sur divers points du littoral, peu s’en est fallu que l’Océan ne fût sifflé comme un acteur qui oublie son rôle, et que le public désillusionné ne redemandât son argent !

    En cas que les grandes eaux ne jouassent pas correctement, nous avions choisi un site capable de nous dédommager par sa beauté intrinsèque. Dans l’espace d’une nuit, le chemin de fer nous jeta à Rennes, où une diligence nous reprit et nous transporta à Pontorson. Une carriole nous fit franchir le reste de la route, et nous pûmes apercevoir, au bout du Couesnon canalisé, que longeait notre voiture, la pittoresque silhouette du mont Saint-Michel.

    La mer en ce moment était basse ; à perte de vue s’étendaient les lises ou plages de sable d’un ton cendré, et il fallait prolonger le regard jusqu’au bord extrême de l’horizon, à la ligne de rencontre du ciel, pour découvrir une mince barre verdâtre témoignant de la présence de l’Océan. Une brume légère estompait les côtes lointaines de la baie, et le mont Saint-Michel s’élevait brusquement comme un énorme bloc erratique, débris de quelque commotion anté-diluvienne, au milieu de cette immensité plate uniformément teintée de gris. Rien n’est plus surprenant que l’aspect de cette roche soudaine qui ne se rattache à aucune chaîne de montagnes et perce comme une pointe d’ossement l’épiderme de la planète. Elle a, dit-on, cinquante mètres de haut, sans compter ce qu’y ajoutent les édifices auxquels elle sert de substruction, et dont à cette distance on la distingue à peine.

    Toute la journée, le temps s’était montré assez maussade ; un vent froid avait glacé la pluie en l’air, et il tombait par rafales un grésil mêlé de neige qui suffisait pour rehausser de blanc toutes les anfractuosités et saillies du mont Saint-Michel, lavé de ces teintes neutres d’un gris violâtre dont se servent les peintres pour préparer leurs aquarelles. La crête des remparts, les toits des maisons, les aiguilles et les contre-forts de l’abbaye se détachaient par touches vives de ce fond vaporeux, et accusaient la présence de détails qu’on n’eût pas discernés du point où nous étions sans cet artifice de la nature.

    L’isolement de cette masse préoccupe l’œil, qui du rivage s’y reporte toujours comme malgré lui. Un peu plus loin, et de cette place cachée à demi par la découpure colossale du mont, s’ébauche Tombelaine, une roche rase et formant îlot, d’où les habitations ont depuis longtemps disparu. Tombelaine à côté du mont Saint Michel, c’est le nain près du géant, la borne près de la pyramide.

    Des berges de pierres sèches dirigent le cours jusqu’ici incertain du Couesnon et lui tracent un chenal par où les eaux s’écoulent vers la pleine mer, en rasant la pointe ouest du mont Saint-Michel. Cette digue, submersible à marée haute, devient à marée basse une espèce de chaussée rejoignant le mont à la terre ferme et servant de chemin à ceux qui craignent de se mouiller les pieds aux flaques d’eau dont, çà et là, les lises sont couvertes après le ...
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