Extrai:
Si c’est un sujet que je n’entende point, à cela même je m’essaie, sondant le gué de bien loin, et puis le trouvant trop profond pour ma taille, je me tiens à la rive. (Essais de MONTAIGNE.)
Il serait intéressant de mettre en parallèle l’histoire de deux sciences dont l’origine, également reculée, remonte à la plus haute antiquité et dont les progrès, souvent simultanés, se sont manifestés, dans ces derniers temps surtout, de la manière la plus éclatante. Quel attrait n’offrirait pas le récit des essais tentés par les pères de la médecine pour enrichir leur art des découvertes de la chimie, plus jeune encore, parce que l’homme, alors comme aujourd’hui, préoccupé surtout d’approfondir les secrets de la vie et d’en reculer les limites, appliquait toutes ses facultés à l’étude de cette science qu’il croyait recéler le secret de son immortalité ! Quel puissant intérêt dans l’exposition de ces luttes dans lesquelles elles semblaient vouloir se substituer l’une à l’autre et régner d’une manière exclusive ! De nos jours, à cet esprit d’exclusivisme ont succédé des idées plus sages et mieux inspirées des principes de la raison ; et les prétentions excessives des humoristes, enthousiastes propagateurs de l’influence prédominante de la chimie en médecine sont tombées, ainsi que celles des vitalistes, devant les saines démonstrations de nos auteurs modernes ; elles ont fait place à un intelligent éclectisme, qui, sans dénier les incontestables services rendus par la chimie, ne lui accorde cependant que la juste part qui lui revient dans l’explication des phénomènes de la vie animale.
Mais si des limites mesurées sont venues borner son domaine exagérément étendu, son influence n’en a pas été moins active, son rôle en médecine n’en a pas été moins énergique et souvent victorieux ; ne semble-t-il pas au contraire qu’elle a puisé des forces nouvelles dans la contrainte qu’elle a éprouvée ? Oui, sans doute ; ses richesses fournissent un aliment à cette avidité de connaissances qui est le partage de l’homme, à ce besoin impérieux d’expliquer les phénomènes qui se passent soit autour de lui, soit en dedans de lui. Il lui demande le secret des lois qui régissent la naissance, la croissance et la production des êtres organisés ; il l’interroge surtout sur les modifications intimes qu’il subit, et déjà la nature de plusieurs a été découverte ; mais celle d’un bien plus grand nombre, sans doute, est encore ignorée.
Si cette patiente et laborieuse étude nous conduit vers l’explication des lois physiologiques, si elle ne néglige point les changements qui surviennent dans l’organisme lorsque, altéré par des causes souvent obscures et même inconnues, il éprouve dans ses fonctions des troubles dont les conséquences lui sont funestes, elle n’est rien moins que spéculative ; car elle recherche les altérations subies sous des influences morbides par les diverses parties constituantes de l’être, et de là peuvent naître des indications précieuses sur la nature des maladies, sur les signes propres de leur manifestation, et sur les moyens de les combattre. C’est ce qu’on désigne sous le nom de chimie pathologique.
Nous regrettons profondément de ne pouvoir pénétrer plus avant dans les considérations qui se rattachent à l’étude de ces dernières questions.
Le peu de progrès encore accompli en cette matière, la brièveté des moments qu’il nous est permis d’y consacrer, et par-dessus tout l’insuffisance de nos connaissances, nous imposent l’obligation de nous borner à un cadre plus modeste. Nous ne ferons donc qu’effleurer un sujet qui, pour être complètement traité, devrait comprendre l’étude encore imparfaite des modifications éprouvées durant le cours des maladies par les diverses parties de l’organisme, c’est-à-dire par les solides et les fluides liquides ou aériformes...
Si c’est un sujet que je n’entende point, à cela même je m’essaie, sondant le gué de bien loin, et puis le trouvant trop profond pour ma taille, je me tiens à la rive. (Essais de MONTAIGNE.)
Il serait intéressant de mettre en parallèle l’histoire de deux sciences dont l’origine, également reculée, remonte à la plus haute antiquité et dont les progrès, souvent simultanés, se sont manifestés, dans ces derniers temps surtout, de la manière la plus éclatante. Quel attrait n’offrirait pas le récit des essais tentés par les pères de la médecine pour enrichir leur art des découvertes de la chimie, plus jeune encore, parce que l’homme, alors comme aujourd’hui, préoccupé surtout d’approfondir les secrets de la vie et d’en reculer les limites, appliquait toutes ses facultés à l’étude de cette science qu’il croyait recéler le secret de son immortalité ! Quel puissant intérêt dans l’exposition de ces luttes dans lesquelles elles semblaient vouloir se substituer l’une à l’autre et régner d’une manière exclusive ! De nos jours, à cet esprit d’exclusivisme ont succédé des idées plus sages et mieux inspirées des principes de la raison ; et les prétentions excessives des humoristes, enthousiastes propagateurs de l’influence prédominante de la chimie en médecine sont tombées, ainsi que celles des vitalistes, devant les saines démonstrations de nos auteurs modernes ; elles ont fait place à un intelligent éclectisme, qui, sans dénier les incontestables services rendus par la chimie, ne lui accorde cependant que la juste part qui lui revient dans l’explication des phénomènes de la vie animale.
Mais si des limites mesurées sont venues borner son domaine exagérément étendu, son influence n’en a pas été moins active, son rôle en médecine n’en a pas été moins énergique et souvent victorieux ; ne semble-t-il pas au contraire qu’elle a puisé des forces nouvelles dans la contrainte qu’elle a éprouvée ? Oui, sans doute ; ses richesses fournissent un aliment à cette avidité de connaissances qui est le partage de l’homme, à ce besoin impérieux d’expliquer les phénomènes qui se passent soit autour de lui, soit en dedans de lui. Il lui demande le secret des lois qui régissent la naissance, la croissance et la production des êtres organisés ; il l’interroge surtout sur les modifications intimes qu’il subit, et déjà la nature de plusieurs a été découverte ; mais celle d’un bien plus grand nombre, sans doute, est encore ignorée.
Si cette patiente et laborieuse étude nous conduit vers l’explication des lois physiologiques, si elle ne néglige point les changements qui surviennent dans l’organisme lorsque, altéré par des causes souvent obscures et même inconnues, il éprouve dans ses fonctions des troubles dont les conséquences lui sont funestes, elle n’est rien moins que spéculative ; car elle recherche les altérations subies sous des influences morbides par les diverses parties constituantes de l’être, et de là peuvent naître des indications précieuses sur la nature des maladies, sur les signes propres de leur manifestation, et sur les moyens de les combattre. C’est ce qu’on désigne sous le nom de chimie pathologique.
Nous regrettons profondément de ne pouvoir pénétrer plus avant dans les considérations qui se rattachent à l’étude de ces dernières questions.
Le peu de progrès encore accompli en cette matière, la brièveté des moments qu’il nous est permis d’y consacrer, et par-dessus tout l’insuffisance de nos connaissances, nous imposent l’obligation de nous borner à un cadre plus modeste. Nous ne ferons donc qu’effleurer un sujet qui, pour être complètement traité, devrait comprendre l’étude encore imparfaite des modifications éprouvées durant le cours des maladies par les diverses parties de l’organisme, c’est-à-dire par les solides et les fluides liquides ou aériformes...