Tous ses actes s’inspiraient d’un esprit de sagesse et de bienveillance, et l’on s’accordait à reconnaître en lui un des plus doux pasteurs des peuples.
Soudain, quand les Allemands s’ouvrirent un passage impie à travers son royaume, il tira l’épée, et, sourd aux promesses des envahisseurs comme il l’avait été à leurs menaces, il combattit sans regarder au nombre, résolu à ne déposer les armes que lorsque le droit serait vengé. Il ne suffit pas à son grand cœur de commander ses armées : pour partager les fatigues et les dangers de ses soldats, il se fit simple soldat.
Roi, les républicains saluent en vous un héros et un juste.
POUR LA NOËL 1914
La fête de Noël, une des plus anciennes, des plus glorieuses, des plus grandes de la chrétienté, se célébrait, jadis, dans toute la France, avec une pompe et une allégresse conformes au mystère qu’elle commémore aux yeux des fidèles. Aujourd’hui encore, cette fête demeure populaire et ne vient point sans ramener dans nos villes et nos campagnes joie et liesse.
Il semble qu’elle durera autant que le monde. Les âmes fidèles à la tradition et les cœurs amis de la nature la peuvent solenniser à l’envi, car, en même temps qu’on y adore l’Enfant-Dieu né dans l’étable de Bethléem, comme il est dit dans l’Évangile, on y salue la renaissance du Dieu dont nous voyons chaque année, sur nos têtes, la splendeur bienfaisante croître et décroître, et qui meurt et ressuscite comme ses symboles antiques : Adonis et Mithra. C’est en ces derniers jours de décembre que le soleil languissant et stérile commence à reprendre cette vigueur féconde qui promet à la terre les fleurs et les fruits.
Mais peut-être n’était-il pas besoin de tant de glose pour dire que, sur notre vieille terre aimée du ciel, la veille de Noël sourit à tout le monde, surtout aux humbles et aux petits, et que, dans les chaumières, la nuit du réveillon dissipe les tristesses du sombre hiver. Alors on s’assied à la table de famille et on mange force saucisses, andouilles, boudins noirs et boudins blancs, et l’on chante des chansons en patois. Saurait-on mieux faire ? Hélas ! combien de vieillards et de femmes, cette année, seuls avec les petits, à la table trop grande, mangeront leur pain mouillé de leurs larmes ! Et pendant ce temps, combien de jeunes hommes, sous la lune froide, au fracas des obus, songeront, dans la tranchée, à ceux qui, demeurés dans la maison, pensent à eux et qui, cette nuit, allument tout de même la grosse bûche, font tout de même griller le boudin, car les usages anciens doivent être toujours suivis.
Chaque province a, pour la Noël, ses coutumes et ses traditions. Notre Alsace est fidèle au jeune sapin, brillant de givre, qui porte à chaque branche des bougies allumées et des bonbons, des jouets, des oranges pour les enfants. En Bretagne, on laisse, cette nuit-là, sur la table la part des morts. Ah ! quelle multitude d’ombres chères viendront, cette fois, flotter autour des tables vides, comme les morts au pays des Cimmériens !
En Provence, où la terre et le ciel, d’une beauté grecque, communiquent aux esprits une grâce ingénue, subsistent encore des usages, des sentiments, qui semblent antiques et païens. C’est ainsi que, sur les bords de la mer bleue, le villageois met dans le foyer un vieux tronc d’olivier séché avec soin et le couronne de lauriers. Le foyer fume et pétille, la flamme jaillit et le maître de la demeure ordonne au plus jeune enfant de la famille d’invoquer le feu. Sans le savoir, il répète les rites par lesquels, dans l’Inde, ses lointains aïeux adoraient Agni, qui, dans son char traîné par des chevaux flamboyants, porte aux dieux les offrandes des hommes. Il dicte à l’enfant les paroles consacrées :
« Ô feu ! réchauffe pendant l’hiver les pieds du vieillard et de l’orphelin, envoie un tiède rayon dans la plus humble chaumière ; garde-toi de dévorer le toit du pauvre laboureur et le navire qui porte sur des terres lointaines le malheureux émigrant. »
Soudain, quand les Allemands s’ouvrirent un passage impie à travers son royaume, il tira l’épée, et, sourd aux promesses des envahisseurs comme il l’avait été à leurs menaces, il combattit sans regarder au nombre, résolu à ne déposer les armes que lorsque le droit serait vengé. Il ne suffit pas à son grand cœur de commander ses armées : pour partager les fatigues et les dangers de ses soldats, il se fit simple soldat.
Roi, les républicains saluent en vous un héros et un juste.
POUR LA NOËL 1914
La fête de Noël, une des plus anciennes, des plus glorieuses, des plus grandes de la chrétienté, se célébrait, jadis, dans toute la France, avec une pompe et une allégresse conformes au mystère qu’elle commémore aux yeux des fidèles. Aujourd’hui encore, cette fête demeure populaire et ne vient point sans ramener dans nos villes et nos campagnes joie et liesse.
Il semble qu’elle durera autant que le monde. Les âmes fidèles à la tradition et les cœurs amis de la nature la peuvent solenniser à l’envi, car, en même temps qu’on y adore l’Enfant-Dieu né dans l’étable de Bethléem, comme il est dit dans l’Évangile, on y salue la renaissance du Dieu dont nous voyons chaque année, sur nos têtes, la splendeur bienfaisante croître et décroître, et qui meurt et ressuscite comme ses symboles antiques : Adonis et Mithra. C’est en ces derniers jours de décembre que le soleil languissant et stérile commence à reprendre cette vigueur féconde qui promet à la terre les fleurs et les fruits.
Mais peut-être n’était-il pas besoin de tant de glose pour dire que, sur notre vieille terre aimée du ciel, la veille de Noël sourit à tout le monde, surtout aux humbles et aux petits, et que, dans les chaumières, la nuit du réveillon dissipe les tristesses du sombre hiver. Alors on s’assied à la table de famille et on mange force saucisses, andouilles, boudins noirs et boudins blancs, et l’on chante des chansons en patois. Saurait-on mieux faire ? Hélas ! combien de vieillards et de femmes, cette année, seuls avec les petits, à la table trop grande, mangeront leur pain mouillé de leurs larmes ! Et pendant ce temps, combien de jeunes hommes, sous la lune froide, au fracas des obus, songeront, dans la tranchée, à ceux qui, demeurés dans la maison, pensent à eux et qui, cette nuit, allument tout de même la grosse bûche, font tout de même griller le boudin, car les usages anciens doivent être toujours suivis.
Chaque province a, pour la Noël, ses coutumes et ses traditions. Notre Alsace est fidèle au jeune sapin, brillant de givre, qui porte à chaque branche des bougies allumées et des bonbons, des jouets, des oranges pour les enfants. En Bretagne, on laisse, cette nuit-là, sur la table la part des morts. Ah ! quelle multitude d’ombres chères viendront, cette fois, flotter autour des tables vides, comme les morts au pays des Cimmériens !
En Provence, où la terre et le ciel, d’une beauté grecque, communiquent aux esprits une grâce ingénue, subsistent encore des usages, des sentiments, qui semblent antiques et païens. C’est ainsi que, sur les bords de la mer bleue, le villageois met dans le foyer un vieux tronc d’olivier séché avec soin et le couronne de lauriers. Le foyer fume et pétille, la flamme jaillit et le maître de la demeure ordonne au plus jeune enfant de la famille d’invoquer le feu. Sans le savoir, il répète les rites par lesquels, dans l’Inde, ses lointains aïeux adoraient Agni, qui, dans son char traîné par des chevaux flamboyants, porte aux dieux les offrandes des hommes. Il dicte à l’enfant les paroles consacrées :
« Ô feu ! réchauffe pendant l’hiver les pieds du vieillard et de l’orphelin, envoie un tiède rayon dans la plus humble chaumière ; garde-toi de dévorer le toit du pauvre laboureur et le navire qui porte sur des terres lointaines le malheureux émigrant. »