Philae (Haute Egypte) _ Ce matin après nous ètre éveillés au murmure torrentueux du Nil, nous nous acheminons sur nos ànes vers le point du rivage d'où une barque nous transportera dans l'ile de Philae. Nous traversons une plaine de sable, et, pour compléter la sensation de désert, on nous parle d'un lion qui a paru dans le voisinage et qui pourrait bien manger nos ânes; mais je soupçonne nos Nubiens de vouloir nous flatter. Sans trouver le plus petit lion, nous atteignons un village où nous nous embarquons pour passer dans l'île sainte, dernier asile du culte égyptien, lequel y subsistait encore au VIème siècle. Ici, le Nil est semblable à un lac dont les rives noires et abruptes décriraient de sinueux contours. En pénétrant dans cette anse retirée, il semble qu'on s'éloigne du monde des vivants, et on éprouve un sentiment extraordinaire de silence et de recueillement; on laisse à gauche, un rocher couvert de grands hiéroglyphes qui se détachent en blanc sur la teinte sombre de la pierre. Quelques lambeaux de terrain cultivé se montrent çà et là, quelques palmiers s'élèvent au milieu des masses suspendues, qu'on dirait des basaltes amoncelés. On pense à la Chaussée des Géants d' Irlande sous le ciel de Nubie. Les ruines de Philäe dominent majestueusement ce chaos. En approchant, on voit grandir un pylône qui semble dépasser les lignes des collines environnantes. Les ruines de l'homme paraissent ici plus grandes que les ruines de la nature. Enfin la barque s'arrête au pied d'une berge où croissent quelques arbustes. Nous suivons un petit sentier et nous nous trouvons tout à coup, comme par enchantement dans un temple parfaitement conservé que soutiennent des colonnes aux chapiteaux verts et bleus qui ont conservé les teintes des singulières feuilles dont ils se composent. Cette entrée brusque et furtive dans un temple presque intact est une des plus agréables surprises que réserve le voyage d'Egypte. Je me recueille un moment dans ce muet sanctuaire où je viens de pénétrer, mais bientôt la multitude d' hiéroglyphes qui m'entourent sollicitent ma curiosité; je me lève et je commence à m'orienter dans cet ensemble de monuments qui couvrent et remplissent seuls l'ile inhabitée de Philae.Il n'y a rien ici d'un peu ancien, rien qui remonte plus haut que le temps des Césars et des Ptolomées, si ce n'est un petit temple situé à l'extrémité méridionale de l'ile et un pylône portant le nom de "Nectanébo", le dernier souverain national de l' Egypte, contemporain d' Alexandre et son père, suivant une légende inventée par la vanité égyptienne. Ce dernier des Pharaons est leur unique représentant dans l'ile de Philae._
Voyage et Recherches en Egypte et en Nubie /08: Revue des deux mondes (French Edition)
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